Le contrat

Le début d’une aventure

Ça y est ? Vous l’avez, votre premier « oui » ? Vous avez même trouvé la maison d’édition que vous vouliez ? Bravo ! Savourez, mais revenez vite sur terre ! Souvent, on est tellement excité qu’on croit que la partie difficile est faite. 

En vérité, c’est ici que tout commence (je dirais même plus : que tout recommence).

Si vous avez un « oui » et que vous avez encore des manuscrits en circulation, avisez les autres éditeurs pour éviter de leur faire perdre du temps. Cela a le mérite (dans certains cas) de faire passer votre texte en priorité. Parfois, vous pourriez même obtenir une contre-offre.

Bah, quoi ? On peut rêver !

À partir d’ici, je n’ai qu’un conseil : soyez franc et transparent. L’honnêteté est essentielle avec votre éditeur. Après tout, vous allez vous « marier » avec une maison d’édition pendant un nombre d’années X (parfois à vie !) Vous allez donc leur céder les droits d’un roman et attendre qu’on vous rétribue annuellement, ce qui signifie : leur faire confiance sur à peu près tout (la correction, la diffusion, la couverture, la pub… et les paiements). N’oubliez jamias qu’un contrat, c’est un engagement. Et en édition, il n’est pas simple de divorcer.

Si le sujet vous intéresse, l’UNEQ met à la disposition des jeunes auteurs deux articles qui valent le coup d’œil : « Bien lire son contrat d’édition avant de le signer » et « Les clauses qui tuent ».

Je me permets d’en mentionner quelques-unes… 

Le droit de premier regard

La clause qui revient souvent est celle du droit de premier regard aussi nommé : clause d’exclusivité

Les jeunes auteurs signent souvent cette clause (moi-même, j’y ai eu droit). Il s’agit de promettre (de façon légale) à votre éditeur tous vos prochains manuscrits en priorité (ou un nombre précis de manuscrits, dans un genre donné, sinon pendant X années). Le but de cette manœuvre est simple : on vous a trouvé, on ne veut pas qu’un autre vous débusque par la suite. On veut donc jeter un œil sur vos prochains textes pour s’assurer que vous n’irez pas le proposer à un meilleur éditeur.

Mon avis : si vous le pouvez, refusez cette clause.

Si un éditeur veut vous garder, il fera en sorte de bien vous traiter. Une clause de cet ordre est inutile quand tout se passe bien avec votre éditeur (c’est-à-dire qu’il vous respecte, qu’il fait assez de pub pour votre livre, qu’il vous paie à temps, etc.)

Posez-vous la question: si ça va bien, pourquoi iriez-vous ailleurs ?

Maintenant, imaginez l’inverse : que votre éditeur vous fasse une couverture moche, qu’il ne réponde jamais à vos emails et qu’il paie toujours en retard… Vous l’avez deviné : cette clause vous coince. En moyenne pour 2 autres manuscrits.

Souvenez-vous du temps qu’il vous a pris pour écrire votre premier roman. Pour le corriger. Pour le réécrire. Pour l’imprimer. Pour attendre une réponse positive ? Maintenant, imaginez recommencer tout ce processus pour devoir l’offrir à un éditeur qui ne vous respecte pas ?

Deux fois, en prime ?

Négociez. Oui, cela se refuse. On vous dira que c’est pour votre bien et qu’on n’en abusera pas, mais un contrat, c’est un contrat. N’oubliez jamais qu’il voue lie pour plusieurs années. Il vaut mieux retirer cette épine de votre pied tout de suite !

Il y a également une clause similaire qui indique que vous ne pouvez proposer un manuscrit du même genre à un autre éditeur (clause de non-concurrence). L’éditeur ne veut pas que, dans un genre donné, vous puissiez jouer sur deux tableaux. Imaginez que vous écrivez des histoires de zombies. Vous proposez un texte chez X éditeur et un texte du même acabit chez son concurrent. Ça ne plaît pas beaucoup et c’est compréhensible (vous devenez votre propre concurrent dans deux maisons données). Il vaut mieux faire clarifier cette clause afin de la limiter à un genre précis (ex : « horreur avec zombies » plutôt que « horreur » au sens large – autrement, vous promettez à nouveau vos œuvres à un seul et même éditeur).

La durée des droits

Un contrat, c’est souvent une cession de droits. C’est-à-dire que vous permettez à un éditeur d’exploiter les droits de votre roman pour X années, après quoi, ils vous reviennent (le roman vous appartient de nouveau et vous pourrez en faire ce que vous voulez).

Pour combien de temps donnerez-vous vos droits à une maison ? C’est une clause à vérifier absolument dans votre contrat. Si ce n’est pas indiqué clairement, c’est possiblement un contrat à vie (70 ans après votre mort !) Autant dire adieu à votre roman ! Car une fois qu’il sera retiré des tablettes (parfois au bout de 3 mois), vous pourrez dire qu’il va se retrouver au fond d’un tiroir (ou plus concrètement dans un entrepôt) et qu’il aura déjà fait son temps.

En général, il y a des lois qui stipulent que vous pouvez récupérer vos droits si vous recevez un relevé sans vente durant l’année précédente. Si vous êtes dans cette situation, faites valoir ce droit et allez récupérer votre roman. S’il n’y a plus de vente, c’est que plus personne ne s’en occupe (fort probablement). De votre côté, vous pouvez toujours le revoir, le proposer ailleurs ou l’autoéditer avec une nouvelle couverture. Quant à faire dormir une histoire quelque part, autant que ce soit dans votre tiroir.

Personnellement, tous les romans que j’ai récupéré, je les ai passés en autoédition. De ce fait, ils sont toujours disponibles en un clic de souris. Si un roman fait son temps dans une librairie, elle peut continuer à vivre chez les lecteurs.

Mais revenons au contrat.

Restez vigilant sur la différence des termes entre le papier et le numérique. Ce sont généralement deux contrats à part. Certains éditeurs prennent les droits à vie sur le papier, mais un temps x sur le numérique (ou l’inverse). Chaque détail compte ! Si vous le pouvez, négociez. Ça ne coûte rien de demander, après tout !

Le pourcentage

Au Québec, il est d’usage d’avoir 10 % sur le papier. En France, cela tourne plutôt entre 6 et 8 % Vous pouvez toujours demander davantage, mais je vous souhaite bonne chance. Il existe également des clauses escalatoires, c’est-à-dire que plus vous allez vendre le roman, plus votre pourcentage augmentera. Soyez conscient que bien peu se hissent en haut de cette pyramide. Il vaut mieux viser 1 % de plus dès le départ que d’espérer être en tête des ventes !

Avec le numérique, là, tout est variable. On vous offre parfois du 10 % (c’est peu). Personnellement, en France, je ne vais jamais en dessous du 15 % (j’ai refusé de bons contrats pour cette raison). Au Québec, on offre généralement davantage (25 % chez certains éditeurs), mais c’est sur le prix de vente et non sur le montant reçu de l’éditeur (ça fait une sacrée différence, croyez-moi!)

Notez que c’est un taux amené à évoluer dans les prochaines années. On vend (pour le moment) beaucoup moins de numériques que de papier au Québec si on se compare à la France, alors les chiffres risquent de bouger à moyen terme. Quelque chose me dit que plus on vendra le numérique, plus le pourcentage risque de diminuer… 

Dans tous les cas, là aussi, un tien vaut mieux que deux tu l’auras. Négociez. Dans le pire des cas, vous aurez un non.

Qui ne risque rien n’a rien, après tout!

Les négociations

Qntuand on reçoit un contrat, c’est toujours intimidant de vouloir négocier. On craint que l’éditeur nous trouve excessif ou refuse de nous accommoder. « Comment, tu ne l’aimes pas, mon contrat ? Mais tout le monde le signe ! »

Ne vous laissez pas duper par ce rapport de pouvoir. Voyez les choses autrement : vous ne cherchez pas seulement un éditeur, mais un partenaire. De ce fait, n’ayez pas peur de poser vos limites et de discuter des clauses de votre contrat qui vous dérange. Je vous le rappelle, cette signature au bas d’un document vous lie pour bon nombre d’années. 

Dans un rapport de pouvoir, le temps est roi. Il arrive souvent que l’éditeur vous fasse attendre. Longtemps. Il tergiverse parfois en espérant que vous cédiez à sa requête. Cette manipulation devrait vous effrayer. S’il le fait pour un contrat, croyez bien qu’il le fera pour autre chose. La confiance se gagne durement, mais elle se perd très vite. 

Soyez patient. Vous avez attendu si longtemps, pourquoi se presser à cette étape ? Il le veut, votre manuscrit, non ? 

Pour ma part, j’ai eu droit à la clause de préférence et je l’ai fait retirer au second contrat. Idéalement, je ne l’aurais pas gardé dès le départ, mais quand on signe pour la première fois, on a tellement peur que l’éditeur change d’avis qu’on se dépêche de signer (oui, moi aussi j’ai ressenti tout ça). Mais je vous assure que ce n’est pas une bonne idée de signer sous la pression ou par peur. Protégez-vous. Et parlez-en avec votre éditeur. 

Dernier point et non le moindre : n’hésitez jamais à demander un à-valoir (soit une avance sur droits), même si celui-ci est tout petit. Ça montre le sérieux de votre éditeur envers votre projet. Au Québec, cela commence à devenir plus naturel, mais en France, j’ai reçu un à-valoir de tous mes éditeurs français, même pour du numérique (et même s’il était tout petit).

La signature

Après de longues négociations, votre contrat est (enfin) signé ? Champagne ! (ou jus de fruits, c’est selon vos goûts). L’attente peut enfin commencer. Vous pensiez être en vacances ? Détrompez-vous ! Le contrat d’édition, ce n’est pas la ligne d’arrivée, c’est le début !

Et pourtant, pendant un laps de temps qui vous semblera interminable, vous attendrez un retour de votre éditeur qui a d’autres projets à mener à terme (lire ici : d’autres romans à sortir avant le vôtre). Et puis, un bon jour, vous recevez votre texte annoté, à corriger, à réécrire, à vérifier, à peaufiner.

Vous l’avez compris : il faudra tout revoir. Encore !

La direction littéraire est une étape douloureusement essentielle (je vous la souhaite, car elle peut être très formatrice). Les maisons qui n’en ont pas sont moins bien vu que les autres – elles sont mal jugées dans le milieu – avec raison, très souvent. Cette étape se résume à un incessant aller-retour de votre manuscrit entre votre éditeur et vous, avec des commentaires partout dedans. Parfois, on vous demande de revoir un passage, parfois toute une partie. Cela peut sembler interminable. Faites confiance à votre interlocuteur si vous sentez que cela peut améliorer votre texte, mais gardez l’œil ouvert. Si cela dénature votre histoire, cela risque – au contraire – de vous frustrer.

Si vous n’êtes pas à l’aise avec l’idée qu’un/e éditeur/éditrice modifie votre texte… l’édition traditionnelle n’est peut-être pas pour vous. Le but de cette manœuvre est de rendre votre texte meilleur – publiable. Parfois, c’est pour rentrer dans une ligne éditoriale ou une collection précise, parfois c’est surtout pour enlever les fautes, les répétitions et les longueurs. Dans tous les cas, votre roman subira des modifications.

Certains auteurs refusent qu’on modifie leurs textes. Il est arrivé que le contrat signé ait été annulé par manque de coopération. Il faut comprendre que l’éditeur met aussi son nom sur la couverture. 

Encore une fois, quand votre texte sera renvoyé définitivement, il sera à nouveau relu par un correcteur et coulé dans une maquette, pratiquement aucune modification (sauf exception) ne pourra y être apportée. On vous renverra un fichier PDF pour approbation. N’essayez pas de faire changer des passages, c’est trop tard!

Une fois que c’est fait, la couverture devrait suivre et l’impression est sur le point de démarrer.

Ça y est, cette fois, les vacances peuvent vraiment commencer. Ou presque ! Car il faudra peut-être songer à faire connaître votre roman, faire une page Facebook, organiser un lancement, si ça vous tente. Mais ça, c’est vraiment une autre histoire !

Pour le moment… savourez !

Vous l’avez bien mérité, ce repos, non?

Pour aller plus loin…

Lexique du contrat d’édition
Un petit lexique mis en ligne par l’UNEQ (Union des écrivaines et des écrivains québécois)

Les clauses qui tuent
Autre article de l’UNEQ

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